A chaque épisode neigeux, exceptionnel ou pas, c’est toujours le même scénario : routes bloquées, embouteillages monstres, automobilistes furieux confinés dans des gymnases… Les mêmes d’ailleurs qui se lamentent de l’impréparation des pouvoirs publics se morfondent quand il manque de neige dans les stations de sports d’hiver. Qu’il neige en février, cela n’a rien d’anormal, même dans un pays au climat tempéré ! Que la neige, symbole de pureté, de quiétude et d’innocence, soit devenue un enfer, soit synonyme de captivité et d’enfermement, en dit long sur l’état de nos sociétés. Il n’y a plus guère que le regard joyeux des enfants pour s’émerveiller du spectacle des éclats de cristal, des paysages ouatés et des sons feutrés.
En fait la neige témoigne de l’incapacité des hommes et de la fragilité de nos sociétés devant des événements naturels, comme dans le film Le jour d’après où dans New-York, pris dans la neige et la glace, quelques survivants tentent de survivre dans la bibliothèque de la ville. On s’amuse à se faire peur dans nos sociétés urbaines et artificialisées, aux bureaux surchauffés l’hiver (ce n’est pas le cas à La France Agricole !) et climatisés l’été, alors que dans nos sociétés rurales, qui disposent de beaucoup moins de moyens que la ville, on accepte plus facilement les contraintes des saisons. Et pourtant, longtemps dans les campagnes, l’on a redouté l’épreuve de l’hiver, cette « dictature du milieu physique », pour reprendre l’expression de Fernand Braudel, car elle imposait ses rythmes et faisait beaucoup de morts. Mais en même temps, il y avait cette croyance que le froid et la neige purifient la terre et fertilisent les sols.
Dimanche, la neige a fondu, sans laisser de traces. Ephémère mystère qui nous a permis de regarder le monde différemment, masquant nos impuretés, nos détritus et la gadoue. La neige a disparu comme notre part d’innocence perdue.