L’accord de gouvernement entre sociaux-démocrates et conservateurs allemands n’aura été qu’un court répit dans un ciel européen ombragé, car, quelques heures plus tard, c’est un vrai cataclysme qui venait d’Italie avec l’élection d’un Parlement désormais dominé par des partis anti européens, comme la Ligue et le Mouvement Cinq Etoiles. Sans doute s’agit-il d’un événement encore plus considérable que le Brexit, car il concerne l’un des six pays fondateurs de l’Europe et l’un des peuples longtemps considéré parmi les plus europhiles ! Certes la péninsule ne va pas quitter l’Union européenne, mais elle peut entraver son action. Et la plupart des autres Etats européens voient eux aussi les mouvements populistes prendre de l’ampleur. Si la France semble aujourd’hui l’exception, c’est essentiellement dû à sa Constitution et à ses scrutins majoritaires à deux tours. La situation peut être bien différente l’an prochain avec un scrutin à la proportionnelle pour les élections européennes.
Comme lors des dernières élections en Allemagne, la question des migrants s’est imposée comme le thème dominant durant cette campagne italienne. Depuis très longtemps terre d’émigration la péninsule était devenue terre d’immigration dans les années 1990 avec l’arrivée massive de réfugiés venant d’Albanie, puis de l’ex-Yougoslavie. Longtemps acquise au principe du droit d’accueil, l’opinion publique a basculé ces derniers mois. Depuis la fermeture de la route des Balkans et l’accord entre l’Union européenne et Ankara, l’Italie est désormais pour la plupart des migrants la seule porte d’accès à l’Europe. Elle a le sentiment d’être seule pour affronter la crise, devant l’indifférence de ses partenaires et le manque de courage et de vision de l’Europe. Or seule l’Europe en renouant avec ses traditions humanistes (ce qui n’est guère facile en ces temps !) peut être à même d’apporter une réponse collective à ce défi qui va perdurer, tout en ne négligeant les autres raisons qui amènent des pans importants de la population à voter pour des partis souverainistes.