Au début de l’année, quelques experts s’interrogeaient quant aux risques d’un nouveau mai 1968, 50 ans après les fameux événements. Le printemps passé, sans heurts sociaux particuliers à l’exception des cheminots, personne n’a vu venir la crise présente. Crise qui, de jour en jour, voit le spectre des doléances s’élargir considérablement. D’une taxation sur le carburant, on est ainsi passé à une crise de la représentation politique, voire une fronde insurrectionnelle, comme seul le peuple français sait l’exprimer de manière récurrente et parfois violente. Rien à voir toutefois avec mai 1968, crise des trente glorieuses !
Et si cette fronde des gilets jaunes ne se situait pas plutôt dans la tradition des jacqueries, mouvements de révoltes souvent désorganisés, à l’initiative de paysans parfois parmi les plus aisés (les classes moyennes d’aujourd’hui) pour lutter contre l’ordre féodal et ses impôts. Car si le carburant a remplacé les céréales comme incarnation de nos sociétés, quasiment toutes les jacqueries ont eu pour origine une révolte fiscale. De la Grande Jacquerie de 1538, qui enflamma à partir du Beauvaisis une partie du nord de la France, aux Chemises vertes de Dorgères entre les deux guerres, en passant par les Rustauds d’Alsace, les Francs-Museaux du Languedoc, les Pitauds du Poitou, et, déjà, les Bonnets rouges bretons, les Croquants du Quercy, les Va-nu-pieds normands ou les Lustucru du Boulonnais…, tous ces mouvements s’inscrivent dans une longue tradition de mobilisation contre l’impôt et, au-delà, contre la ville et ses élites ; aujourd’hui, avec les gilets jaunes, contre les métropoles, tant la fracturation territoriale est toujours facteur d’inégalités grandissantes, et cette noblesse d’Etat qui ne décrypte la société qu’à partir de ratios financiers.
Notons encore que le point commun de toutes ces jacqueries, ce fut l’échec face au pouvoir en place et souvent au parti de l’ordre ; ce sur quoi semble tabler l’actuel gouvernement. A tort peut-être ? Les prochains jours le diront…