C’est le retour des territoires, du moins au sommet de l’Etat. Dans son discours de politique générale, Jean Castex a cité à 25 reprises le mot. Les territoires font aussi l’objet de nombreuses publications parfois contradictoires. Dans le genre pessimiste, Pierre Bonte, le célèbre animateur dans les années 1960 de l’émission Bonjour Monsieur le Maire, et la journaliste Céline Blampain publient un cri d’alarme, Ces villages qu’on assassine (Editions Le passeur), n’hésitant pas à comparer l’état de la France rurale à la situation des vieillards en soins palliatifs. Sous un angle beaucoup plus optimiste, Vincent Grimault, journaliste à Alternatives économiques, explore, dans La Renaissance des campagnes (Le Seuil), de nombreux territoires innovants.
Force est de constater que les campagnes sont diverses et contrastées. Evitons les représentations caricaturales, et l’amalgame, comme dans un registre plus urbain, entre Neuilly-sur-Seine et Aubervilliers, pense Benoît Coquard, sociologue à l’INRAE, qui s’est penché sur cette France périphérique du Grand Est, région dont il est originaire, avec ses vastes forêts, ses grandes plaines et ses villages qui se dépeuplent et s’appauvrissent. Dans Ceux qui restent (La Découverte), il analyse ce groupe social mal connu qui n’a pas forcément choisi de rester. Cette population, qui se juge sans histoire, vote massivement Rassemblement national et sait cultiver une sociabilité intense, mais se sent loin de tout.
L’isolement est aussi au centre des témoignages recueillis par Salomé Berlioux et Erkki Maillard, dans Les Invisibles de la République (Ed. Robert Laffont). Le livre témoigne des difficultés de cette jeunesse des régions rurales et des petites villes, qui, éloignée des grands centres urbains, se retrouve souvent « assignée à résidence », par peur d’aller à la ville, de ne pas avoir les codes, de n’être pas à la hauteur, aussi parce qu’elle n’a pas toujours les moyens financiers! Les auteurs, qui ont créé l’association Chemins d’avenirs qui accompagne des milliers de filles et garçons issus des zones isolées, n’hésitent pas à parler de sacrifice de la jeunesse de la France périphérique. Une situation qui met à mal l’égalité des chances et la cohésion sociale.