A l’annonce de la mort de Valéry Giscard d’Estaing, la chaîne de télévision Arte a eu la bonne idée de diffuser une émission Réflexions de fin de siècle qui date de 1997, un dialogue passionnant animé par un journaliste de Die Zeit entre l’ancien président français et l’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt sur l’évolution des rapports France/Allemagne au cours du prochain siècle.
Un dialogue qui avait un goût de suranné, tant en quelques années, le contexte européen avait bien changé. Giscard et Schmidt, très engagés dans la construction européenne, initiateurs de la monnaie commune à travers la mise en place du Système monétaire européen, et créateurs d’un parlement européen désormais élus au suffrage universel étaient sans doute les derniers hommes d’Etat à penser qu’une Europe fédérale pouvait influencer le monde du XXIème siècle.
On connaît la suite : la chute du mur de Berlin, les élargissements successifs qui vont entraver l’approfondissement de la construction européenne, la succession de crises, la montée en puissance des mouvements souverainistes. Helmut Schmidt estimait que l’on n’a pas assez expliqué que la coopération n’est pas une question affective mais correspond à des intérêts communs concrets tandis que Valéry Giscard d’Estaing pensait que le projet européen était devenu trop compliqué.
Une leçon qu’il ne retiendra pas, lorsqu’il présidera en 2004 la Convention chargée d’élaborer le Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Au final, cela donnera un traité illisible de 448 articles, qui ne sera pas ratifié en 2005 par la France et les Pays-Bas, où le non l’a emporté lors des référendums. Toutefois la plupart des dispositions de cette convention seront reprises en 2009, dans le cadre du Traité de Lisbonne. Et l’on sait aujourd’hui les dégâts considérables qu’aura cette décision dans la rupture entre les peuples et l’idée européenne.