Les campagnes électorales ont au moins ce mérite de mettre en valeur des territoires échappant, hors contexte électoral, au regard des médias. Le Monde a récemment publié un reportage sur les Mauges, terre de bocage située entre Nantes et Cholet, mais aussi terre d’égalité, dans un monde d’inégalités croissantes, sans riches ni pauvres, sans chômeurs ni cadres, sans RSA ni ISF, où l’on attend peu de l’Etat, où fonctionnent encore les réseaux familiaux de solidarité, où le dialogue social est certes teinté de paternalisme mais avec un fort consensus sur la valeur travail, et où le vote populiste est marginal. Une situation qui s’explique par une histoire ancienne, en l’occurrence pour les Mauges par les guerres de Vendée.
Dans le même journal, le démographe Hervé Le Bras, auteur du livre Le grand enfumage, populisme et immigration dans sept pays européens, expliquait le vote populiste par des découpages géographiques anciens et, notamment pour la France, par cette opposition, qui remonte au haut Moyen-Age, entre terres de bocages (à l’Ouest et au Sud-Ouest), engageant plus tardivement la modernisation de l’agriculture, et champs ouverts (Nord-est et zone méditerranéenne) avec une population plus concentrée dans les bourgs et les villes. L’auteur explique l’important vote populiste dans les campagnes de champs ouverts par une forme de disqualification sociale. En effet, dans les communes de moins de 1 000 habitants, seuls 20 % des titulaires du baccalauréat ont le statut de cadres, alors que dans les villes de plus de 100 000 habitants, ils sont 45 %. Le plus souvent, ce ne sont pas les questions migratoires qui sont à l’origine du vote populiste, même si ces partis mettent en avant la lutte contre l’immigration, comme pour mieux se constituer en peuple par rapport à son contraire, l’immigré. L’Aisne, département où je vis, record du vote RN lors des derniers scrutins, ne compte que 4,4 % d’immigrés. L’autre leçon, c’est que le vieux clivage bocage-champs ouverts avec des sociabilités bien différentes demeure d’actualité.