En 1957, lors de la signature du Traité de Rome, le journaliste du Monde, Pierre Drouin, saluait la contribution essentielle du monde agricole à la construction européenne qui tranchait face aux tergiversations des milieux industriels. Cinq ans, plus tard, au prix de négociations parfois difficiles, la Commission mettait en place les organisations communes de marché. Très rapidement, la PAC, seule politique intégrée qui représente 80 % du budget européen, est victime de son succès, que traduisent, dès la fin des années 1960, les excédents de lait. Tandis qu’apparaissent les distorsions monétaires, remettant en cause le principe d’unicité des prix. Malgré tout, jusqu’à la fin des années 1980, la PAC maintient tant bien que mal le cap malgré les obstructions britanniques et le casse-tête des excédents. Mais à la fin des années 1980, la situation n’est plus tenable.
Dans le cadre des négociations du GATT, les Etats-Unis, – de plus en plus concurrencés sur les marchés internationaux par l’Europe-, et les pays tiers imposent une remise en cause de la PAC qui se traduira par la réforme de 1992. La baisse du soutien des prix agricoles à la production est alors compensée par des aides directes. Sur fond d’élargissements successifs, le tournant libéral est conforté, les mécanismes de la PAC sont détricotés tandis que s’accroît son verdissement.
Depuis la Covid 19 a remis au goût du jour l’idée de souveraineté alimentaire, tandis que le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité ont amené la Commission européenne à lancer en 2019 le plan Vert. Mais la guerre en Ukraine et le risque de crise alimentaire, liée en grande partie à des phénomènes spéculatifs, pourraient remettre en cause les orientations environnementales du projet européen.
Une chose est sûre, après trente ans d’une mondialisation que bon nombre de décideurs considéraient comme heureuse, la politique agricole européenne a désormais, en ces temps d’instabilité qui risquent de perdurer, besoin de plus de régulation. Un retour aux origines de la PAC, en quelque sorte !