Ces dernières semaines, deux icônes de l’histoire contemporaine nous ont quittés. Elisabeth II avec un hommage fastueux, Gorbatchev, dans un cérémonial plus modeste. Le contraste était saisissant ! La première a régné durant sept décennies sachant adapter la royauté aux caprices du monde. Le second au pouvoir de 1985-1991 a réformé la gouvernance communiste, entraînant (ce qui n’était pas le but initial) la dislocation de l’URSS, qui changera la face du monde. Tous deux avaient aussi ce goût de la campagne et de la terre. La famille royale britannique, plus gros propriétaire terrien du Royaume, manifestait cet attachement campagnard, notamment Charles III, qui, en tant que Prince de Galles, participait régulièrement aux concours de chiens de troupeaux, et n’hésitait pas à défendre les fromages français.
Quant à Gorbatchev il était issu d’une famille de kolkhoziens. Son grand-père avait été emprisonné parce qu’il refusait la collectivisation des terres. Son père gérait un kolkhoze où le jeune Mikhaïl travaillera comme conducteur d’engins, avant de poursuivre ses études à l’Institut agronomique de Stavropol. Spécialiste des problèmes agricoles, il ne peut que constater, dans ses nouvelles responsabilités politiques, la faillite du système soviétique dans le domaine agricole. En 1984, à Tchernenko qui lui demandait, lors d’un dîner organisé à l’occasion de la visite de Mitterrand, « Depuis quand l’agriculture ne marche pas ? », il répondit : « Depuis 1917 ! » (1). L’économie, essoufflée par la course aux armements, ne se portait guère mieux. De ce constat, découlera la glasnost (transparence) et la perestroïka (reconstruction), qui n’entraîneront que des résultats mitigés. Si bien que, pris en tenaille entre des réformateurs qui veulent aller plus loin et des nationalistes communistes, peu enclins aux réformes, Gorbatchev doit quitter le pouvoir.
Homme de paix, principal artisan de la fin de la guerre froide, il demandait en 2017 aux dirigeants américain et russe de soutenir une résolution au sein du Conseil de sécurité de l’ONU visant à interdire une éventuelle guerre nucléaire… Question tragiquement d’actualité !
1/Propos rapporté par Hubert Védrine dans Dictionnaire amoureux de géopolitique