Dans le flot des mauvaises nouvelles dont les médias nous abreuvent, il est parfois des éclairs d’espérance qui nous regonflent le moral. C’était le cas, la semaine passée, au cours de la matinale de France Inter, avec l’interview du professeur Didier Pittet, épidémiologiste à l’Hôpital de Genève, qui venait de recevoir la Légion d’Honneur. Avec son collègue, William Griffith, lui aussi suisse, il a créé en 1995 le gel hydroalcoolique. Partant du constat, qu’à l’époque un soignant en service de réanimation devait en moyenne se laver les mains 22 fois par heure, y consacrant à chaque fois une minute et demie (soit au total une demi-heure), ces deux découvreurs inventèrent une solution à la fois efficace et protectrice des mains. Fort du succès de l’expérimentation à l’hôpital de Genève, son utilisation se généralisera, d’autant qu’ils cédèrent cette découverte à l’OMS (Organisation mondiale de la santé), empêchant sa privatisation et rendant cette innovation, qui plus est peu onéreuse, totalement libre d’accès dans le monde. Avec la Covid, ils auraient pu devenir milliardaires…
Une forme d’altruisme qui montre combien la santé devrait devenir un commun et échapper ainsi à la marchandisation. C’est en partie la thèse de Gaël Giraud, docteur en mathématiques, économiste et prêtre jésuite, entendu la veille au cours d’une conférence organisée par L’Obs. Dans son livre (1) Composer un monde en commun – une théologie politique de l’anthropocène (que j’ai à peine commencé à lire, il fait 816 pages !), il imagine des institutions internationales capables de prendre soin de nos communs globaux (comme la santé, le climat, la biodiversité…) pour relever les défis monumentaux qui se posent à nous aujourd’hui. Gaël Giraud propose une gestion des communs dans une approche spiritualiste, contrecarrant les excès de la privatisation ou de l’étatisme. Mais pas besoin d’être croyant pour partager ou au moins s’intéresser à ce point de vue qui a le mérite d’offrir une nouvelle grille de lecture face à la crise de la modernité occidentale.
1/ édité par le Seuil.