« La politique ne consiste pas à faire taire les problèmes mais à faire taire ceux qui les posent », aimait à dire Henri Queuille, homme politique radical qui a traversé les Troisième et Quatrième République et détient toujours le record de longévité à la tête du ministère de l’Agriculture. Propos en apparence cynique de la part de de ce médecin corrézien, mais non dénué de réalisme, au regard de la situation actuelle. Il y a un mois, lorsque les barrages ont été levés, les autorités ont fait semblant de croire qu’avec 62 mesures, la solution était trouvée, semblant mettre sous le coude ce qui était le nœud gordien de la crise, à savoir la question des revenus. Cette question est revenue comme un boomerang lors de ce week-end mouvementé. En même temps que l’idée d’un prix plancher, largement décriée les semaines précédentes, et qui rappelle les prix indicatifs de l’ancienne PAC dont au cours des trois dernières décennies les mécanismes de régulation ont été démantelés, au nom d’une mondialisation heureuse et la réappropriation de ce concept de souveraineté alimentaire, inventé par Via Campesina, dans les années 1980, et très souvent décriée par les gouvernements.
Avec un brin de bon sens, l’un des interlocuteurs du Président de la République lors du débat, résumait bien l’état des lieux : « On manque de vision ! ». Depuis la crise financière de 2008, suivie par la Covid, la guerre en Ukraine, l’insécurité alimentaire grandissante, la question agricole s’impose au cœur de la réflexion stratégique au niveau mondial, interroge dans tous les Etats, les sociétés. Ce ne sont pas quelques mesures conjoncturelles aussi judicieuses soient-elles, qui vont résoudre les problèmes. Face aux enjeux géopolitiques et géoéconomiques, environnementaux et sociaux, alors que 2,5 milliards de Terriens n’ont pas une alimentation saine et que 16 % de nos compatriotes ne mangent pas à leur faim…, le chantier d’un nouveau pacte alimentaire s’impose, associant rats des champs et rats des villes. Reste à trouver les Pisani et Mansholt capables de le mettre en musique, pour ne pas donner raison à Henri Queuille.