D’une première enquête en 1994, à l’occasion d’une épidémie de peste qui ravage le nord de Bombay, qui lui donne le virus du grand reportage, à la tragédie de Gaza, en passant, pour ne citer que quelques épisodes, par le retour des talibans en Afghanistan, le tsunami du Sud-Est asiatique, la chute du Khalifat en Syrie et en Irak, et plus récemment 22 séjours en Ukraine depuis le début du conflit, Maryse Burgot, grand reporter à France 2, nous offre dans Loin de chez moi (1), le regard sensible de cette mère de deux enfants sur ces lieux chauds de la planète.
Elle témoigne aussi d’un parcours qui n’était pas écrit à l’avance, de la part de cette fille d’agriculteurs de Bazouges-la-Pérouse en Bretagne, qui a pris goût au journalisme en lisant Ouest-France et cultive depuis cet amour démesuré pour ce métier de passion qu’est reporter de terrain, comme un enfant avec le monde entier pour horizon. « Je me suis évadée de mon milieu d’origine », écrit Maryse Burgot, qui se considère comme un Ovni, une anomalie, tant on ne croise que peu d’enfants de paysans dans les grands médias nationaux.
« Dans ma famille, il n’y a aucun journaliste. Je n’avais absolument pas les codes pour entrer dans le monde de la presse ». Néanmoins, après 35 ans de métier, elle avoue toujours éprouver ce syndrome de l’imposture, celui d’être entré par effraction dans le cénacle des rédactions parisiennes. « Je n’aurai jamais l’assurance des gens bien nés. C’est ma force et ma faiblesse ». Sa faiblesse, c’est cette intranquillité permanente, ce manque d’insouciance et de nonchalance, que n’ont souvent pas les journalistes bien nés. Sa force, c’est ce regard si empreint d’humilité, d’humanité et de sensibilité aussi bien dans sa manière de témoigner des grands conflits de la planète, que de la façon dont elle évoque dans son livre ses parents et leur métier d’agriculteur. D’ailleurs, au début de l’année 2024, elle a souhaité couvrir les grandes manifestations des agriculteurs pour discrètement leur rendre hommage.
1/ Loin de chez moi – Grand reporter et fille de paysans – Fayard – 342 pages -Octobre 2024 – 20,90 €