La controverse autour de l’étable des mille vaches me rappelle celle plus ancienne, du début des années 1990, avec ce projet de construction dans la Marne d’un poulailler géant par l’industriel allemand Pohlmann. Deux projets agricoles de grande ampleur menés par des industriels. Si le poulailler géant avait fait l’unanimité contre lui, – le gouvernement de l’époque avait pris un décret limitant la taille des élevages avicoles faisant capoter le projet -, aujourd’hui, plus de vingt ans après, le contexte paraît bien différent. Bruxelles a démantelé les outils de régulation de la PAC. Les partis de gouvernement, qu’ils soient conservateurs ou sociaux-démocrates, sont acquis aux règles intangibles du libéralisme même pour l’agriculture, ce qui était loin d’être le cas auparavant. L’Allemagne, depuis la réunification, s’est métamorphosée en puissance agricole de premier plan. Le syndicalisme majoritaire très en pointe à l’époque ne s’oppose pas à ce projet. J’ai même entendu des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture reconnaître que ce projet était plus respectueux de l’environnement que les petites étables, et des techniciens laitiers le défendre ardemment devant des producteurs sceptiques. Il y a vingt ans, le poulailler Pohlmann apparaissait comme incongru dans le paysage agricole français. Aujourd’hui l’étable aux mille vaches semble impétueusement s’inscrire dans la logique des politiques économiques des gouvernements, de gauche ou de droite. Hier les opposants au poulailler faisaient l’objet d’un consensus. Aujourd’hui les opposants à l’étable font figure d’invétérés Gaulois, défiant l’ordre public et l’inéluctable « américanisation » de notre agriculture. Pourtant, il y a deux semaines, La France Agricole proposait un passionnant dossier sur le développement des circuits courts et des produits fermiers aux Etats-Unis. Réconfortant qu’au pays des « feed-lots » de parfois plus de 100 000 bovins et des poulets javellisés, il y ait de plus en plus place pour une agriculture de proximité !, au point de me demander si la France ne s’est pas trompé de combat ?