La semaine passée, une panne a privé d’Internet pendant cinq jours les clients d’un des opérateurs dans mon village. Au moins cet incident m’a-t-il permis de prendre conscience de mon degré de dépendance technologique. Le constat est d’autant plus redoutable que je ne me considère pas comme un accro de ces technologies. J’ai un portable qui ne fait que téléphone et je ne dépense pas les 2 € de mon forfait mensuel. Je n’ai jamais été capable de programmer l’horloge d’un magnétoscope et je hais au plus haut point ces techniques dégradantes pour les contacts humains, dont les symboles sont le serveur vocal et la touche étoile. Je partageais les emportements de Georges Bernanos écrits après la Seconde Guerre mondiale sur la tyrannie des machines. J’appréciais les analyses du philosophe Jacques Ellul sur le système technicien. En 1984, j’avais relu 1984, le fameux roman de George Orwell, publié en 1949. Avec ce bagage de références à la touche si rebelle, j’avais l’impression d’être complètement immunisé. Et pourtant, devant cette panne, je me suis senti fragile et dépendant. Chaque jour, je tentais de me reconnecter dix fois, espérant la panne réparée. Mais sans succès ! Alors l’énervement se mêlait à l’angoisse (je n’allais tout de même pas envoyer mon billet à la France agricole par courrier !). Et je ne parle pas du caractère déprimant des appels auprès de l’opérateur qui propose de vous dépanner pour 30 €, alors que la panne vient de lui… Cette même semaine, on découvrait l’ampleur des écoutes de l’Agence de Sécurité américaine (la NSA), qui, en 30 jours, avait effectué 70 millions d’enregistrements de données téléphoniques, pour les seuls Français, et espionner les portables de 35 chefs d’Etat. Cette même semaine encore, on apprenait la découverte du corps d’un homme qui s’était suicidé huit ans plus tôt, sans que personne ne se soit soucié de ce malheureux. Deux faces de cette société technicienne, à la fois si simpliste et si sophistiquée, et surtout si inhumaine. Il me faut vite relire 1984 !