Fouiner dans les kiosques à journaux en attendant un train est un de mes plaisirs « gourmands ». Et puis les couvertures des périodiques expriment bien l’état d’une société. Cet été, la gastronomie était à l’honneur, plus qu’à l’habitude, hors presse spécialisée bien sûr. Le Monde et Géo éditaient deux hors-séries au titre similaire : A Table ! Un régal que ces lectures autour de plusieurs siècles de gastronomie, d’arts de la table, de plats mythiques, – de la blanquette de veau à la sole sauce normande -, de légendes, de génies, – d’Antonin Carême et ses pièces montées qui ressemblent à des monuments historiques à François Vatel qui se suicide de crainte que le poisson de la marée n’arrive à l’heure…, mais aussi de littérature culinaire qui, de l’Almanach gourmand de Grimod de la Reynière au magazine Gault et Millau, a su nous transmettre un savoir-faire, mais aussi faire et défaire des réputations. Dans une approche plus contemporaine, le mensuel Alternatives économiques publiait un supplément Les dessous de l’assiette, et Capital un dossier spécial Vive la France de la bonne bouffe ! scrutant les actuelles pratiques alimentaires qui montrent malgré tout que les Français continuent de cultiver leur singularité (et parfois un sentiment de supériorité !) quant à leur rapport à alimentation, qui demeure en France autre chose que le simple fait de s’alimenter. Les Français passent plus de temps à table que les autres Européens. Fait social, rite culturel, le repas y paraît plus convivial, même s’il est traversé par les tensions de la société où l’individualisme tend à prendre le pas sur les rites collectifs, l’anxiété sur le plaisir, l’artificialisation sur l’authenticité… Seule pointe d’inquiétude dans l’un de ces dossiers, l’interview du sociologue Jean-Pierre Poulain qui nous annonce dans les vingt ans à venir une nutrition plus médicalisée grâce à la nutrigénétique, l’épigénétique et le nutrigénomique… Un peu barbare, tout cela ! Mon repas en a été gâché.