La Communauté européenne des années 1980 avait plus fière allure que l’Union européenne actuelle. Une impression confirmée par le portrait de Jacques Delors que proposait la semaine dernière l’émission Empreintes sur France 5. Pourtant, quand J. Delors accède à la présidence de la Commission en 1984, l’Europe des Dix est (déjà) en panne. D’où l’idée de l’Acte unique, qui va mobiliser des années durant les Européens. A l’époque, l’Europe sait aussi être à l’écoute des plus pauvres. En 1987, après l’appel de Coluche, la Commission décide de puiser dans les stocks européens pour aider les plus démunis. Mais, depuis deux ans, les stocks sont au plus bas, et l’Europe doit acheter la nourriture. En 2010, 480 millions d’euros ont été consacrés à nourrir quotidiennement 13 millions d’Européens. Mais cela ne plaît guère au gouvernement allemand (décidément bien peu solidaire !), qui, soutenu par cinq autres États, porte l’affaire devant la Cour de Justice et obtient gain de cause. Conséquence : la Commission a dû diviser par quatre le montant de son enveloppe, au grand dam des associations caritatives, pour qui cette aide est vitale. L’Allemagne, oubliant que la sécurité alimentaire demeure l’un des objectifs du traité de Rome, considère que la politique sociale est du ressort des États, alors que ces derniers délèguent de plus en plus l’action sociale aux associations. Face à une telle situation, les Pères de l’Europe, attachés, eux, à un certain modèle social européen, auraient sans doute répondu : « Faisons en sorte que l’Europe n’ait plus de nécessiteux et proposons que la politique sociale soit le grand chantier de l’Europe de 2020 ». Mais l’heure n’est plus aux grands défis. Les ministres européens de l’agriculture, réunis le 20 septembre, ont reporté la décision de poursuivre ou non l’aide aux associations. « L’Europe, ça fait battre les cœurs !», s’exclamait Jacques Delors dans le documentaire qui lui était consacré. Nostalgie, quand tu nous tiens…