On pensait en avoir terminé avec ces dramatiques famines, qui ont jalonné les siècles passés. Pourtant, à chaque fois, le scénario se répète presque à l’identique. Deux années de sécheresse dans cette Corne de l’Afrique, et c’est la perte de plus de la moitié des récoltes, le bétail décimé, les denrées qui montent en flèche, et 12 millions de personnes, l’estomac vide, en attente de secours. Ce sont encore ces images insupportables de réfugiés par milliers, le plus souvent des femmes et des enfants en bas âge qui prennent le chemin de l’exil pour rejoindre lentement et péniblement Mogadiscio ou un camp des Nations Unies.
Enfin, c’est la communauté internationale qui se réveille trop tardivement, comme au Soudan, en 1998, comme, déjà en Somalie en 1991, en Éthiopie au milieu des années 1980. Des ministres indignés appellent à l’aide d’urgence mais négocient comme des comptables des sommes insuffisantes. S’ajoutent les difficultés rencontrées sur le terrain par les ONG et l’ONU, pour acheminer l’aide, et aggravées par des milices islamistes peu coopérantes, la guerre civile, l’insécurité, le banditisme. Dans cette même région, en Somalie, l’opération militaro-humanitaire « Restor Hope » en 1993 s’était soldée par un échec, avec des combats entre casques bleus et groupes armés. On a oublié tout cela comme si l’on ne vivait que dans l’urgence du présent.
« Nous réagissons seulement quand il y a une crise », reconnaissait la semaine passée le directeur général de la FAO, Jacques Diouf. Il aurait dû méditer ce constat d’Amarthya Sen, Prix Nobel d’Économie en 1998 : « La prévention des famines met en jeu des mécanismes si faciles que la véritable énigme vient de ce qu’elles continuent à se produire ». Raison de plus pour véritablement placer la question agricole et alimentaire au cœur des enjeux géopolitiques et d’investir sur le long terme pour que pareilles catastrophes ne se reproduisent plus.