C’était, il y a à peine trois ans. La flambée des cours des matières premières puis les « émeutes de la faim » replaçaient l’agriculture et la question de sécurité alimentaire au cœur des priorités internationales. G8, FMI, Banque mondiale prônaient l’accroissement de la part des investissements agricoles dans l’aide publique au développement. Quelques mois, plus tard, patatras ! La crise financière chassait la crise agricole, comme dans la loi de Gresham, la mauvaise monnaie chasse la bonne. Les engagements pris restaient lettre morte. Aucun chef d’État à l’exception du chef du gouvernement italien (pays d’accueil) ne daignait participer au Sommet Mondial de l’Alimentation en 2009.
En cet été 2010, l’agriculture se rappelle à notre bon souvenir. Une canicule en Russie, le tiers de la production céréalière perdu pour le 3ème exportateur mondial de céréales. Et le blé qui bondit de 70 % en un mois. Des inondations au Pakistan, 14 % des surfaces agricoles ravagées pour le 4ème producteur mondial de coton. Et le coton qui voit ses cours flamber. L’instabilité devient la règle dans un secteur qui, contrairement à l’industrie et aux services, prend du temps pour répondre aux signes du marché, alors que la PAC s’est délestée de ses principaux outils de régulation…
Sans doute va-t-on reparler de priorités agricoles lors des prochaines réunions internationales, avant qu’une autre crise n’apparaisse ! Ainsi va notre monde comme le bateau ivre de Rimbaud. Pourtant il est temps de reconsidérer la question agricole, aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres, tant pour les producteurs que pour les consommateurs. D’ailleurs la dernière parution de la série Les Mondes agricoles en politique qui a pour sous-titre : « De la fin des paysans au retour de la question agricole » met en évidence ce paradoxe pour la France : la chute de la population agricole n’entrave en rien sa puissance et, plus que jamais, l’agriculture est au cœur des grands enjeux du futur.
Les Mondes agricoles en politique. De la fin des paysans au retour de la question agricole. Ouvrage collectif codirigé par Bertrand Hervieu, Nonna Mayer, Pierre Muller, François Purseigle, Jacques Rémy. Presses de Sciences Po. 456 pages, 25 €.