La France (et les Français) adorent les commémorations. Après avoir rendu hommage à Albert Camus mort accidentellement, il y a 50 ans, cette année 2010 va nous voir fêter le millième anniversaire de la naissance de l’abbaye de Cluny, le 500ème anniversaire de la naissance de Bernard de Palissy, le 450ème anniversaire de la mort de Joachim Du Bellay et de la naissance de Sully, le 400ème anniversaire de l’assassinat d’Henri IV, le bicentenaire de la création de l’École des Ponts-et-Chaussées et de la naissance de Chopin, le 50ème anniversaire de la création des Parcs nationaux, de l’URSSAF et du PSU… pour ne citer que quelques événements parmi beaucoup d’autres. Après tout, pourquoi pas ! Ces événements appartiennent à notre histoire collective.
Pourtant, dans le même temps, on laisse tomber des pans de notre patrimoine. Ainsi cet exemple récent : celui de Développement et Civilisation Lebret-Irfed, nom actuel de l’IRFED (Institut de Recherche et de Formation au Développement) créé à la fin des années cinquante par le Père Lebret, un dominicain économiste, spécialiste du tiers monde. Le Centre Lebret-Irfed doit, pour cause de déménagement, se séparer d’une grande partie de sa documentation, soixante ans de documents sur l’évolution de l’agriculture et des campagnes dans le monde. Sa directrice, Isabelle Duquesne, a proposé ces archives à différents organismes et à des écoles supérieures d’agriculture. Refus de la plupart d’entre eux. Cela n’intéresse pas grand monde ! Il y a quelques années, la direction d’Europe 1 avait décidé de détruire les 4 000 enregistrements de la fameuse émission Bonjour Monsieur le Maire de Pierre Bonte, alors que ce formidable patrimoine sonore d’ethnologie rurale témoignant d’une période charnière de l’histoire de nos campagnes intéressait beaucoup la Phonothèque nationale. Curieuse société qui aime commémorer mais ne rechigne pas à détruire certains pans entiers de notre mémoire collective !