Au moment où j’écris ces lignes (17/05/2021), on ne connaît pas encore le futur propriétaire du centre de Grignon, haut lieu de l’agronomie française depuis que Charles X en fit en 1826 la plus ancienne école d’agronomie de France. Il y a cinq ans, Grignon avait failli tomber dans le giron des Qataris qui voulaient en faire le centre d’entraînement du PSG. Sous la pression, ce projet avait capoté, mais pas l’abandon de la cession. A l’origine, il y a le regroupement d’AgroParisTech sur les riches terres du Plateau de Saclay, pour en faire avec d’autres grandes écoles un vaste campus scientifique. L’immeuble de la rue Claude Bernard ayant été vendu, restent à céder l’école de Grignon, son château du XVIIème siècle, sa ferme modèle, son arboretum, et son Musée du Vivant, riche de 40 000 objets dont des herbiers magnifiques, des instruments agricoles et scientifiques très anciens, sans oublier les archives de personnalités comme René Dumont ou René Dubos.
Récemment quatre projets ont été retenus dont trois sont essentiellement immobiliers. Le quatrième, à l’initiative d’anciens élèves, en partenariat avec la Communauté de communes Cœur d’Yvelines, entend demeurer dans la tradition agronomique du lieu. La semaine dernière, une pétition signée par le glaciologue Jean Jouzel, l’ancienne présidente de l’INRA, Marion Guillou ou encore la vice-présidente du GIEC, Valérie Masson-Delmotte, soutenait ce projet, qui contribue à la transition vers des systèmes alimentaires plus durables. Mais le manque de transparence, dénoncé par les étudiants qui ont pendant plusieurs semaines bloqué le site, la gestion de la cession par Bercy, les atermoiements du ministère de la Culture et la priorité accordée dans la convention au prix par rapport à la qualité du projet, font craindre le pire, c’est-à-dire un choix plus à vocation immobilière et financière qu’agronomique et pédagogique.
L’Etat résistera-t-il aux arguments sonnants et trébuchants des promoteurs, ou cèdera-t-il comme trop souvent ces dernières années ses bijoux de famille à la satisfaction d’intérêts privés, au détriment du patrimoine public ? Situation d’autant plus paradoxale, qu’au même moment, le patron de Free, Xavier Niel, lance avec l’ex-conseillère agricole de Macron, un vaste projet de campus agricole dans le même département…