Même si je me considère comme un amoureux de l’Europe, (car né d’une mère belge et d’un père français, alors que s’amorçaient les négociations du Traité de Rome, et vivant dans un village meurtri par le sang et les ruines de la boucherie de 14 et du désastre de 1940), j’ai parfois le blues devant cette Europe qui piétine, avec ses avancées souvent trop prudentes, ses reculs malheureux, sa difficulté à rencontrer le peuple européen, et ses campagnes électorales (comme c’est encore le cas actuellement !) qui privilégient les arrière-pensées partisanes au débat européen.
Alors quand ma foi européenne vacille, je me replonge vers les écrits du passé, en particulier Le Monde d’hier de Stefan Zweig. Ce récit nous mène de son enfance cultivée dans la Vienne d’avant 1914, à l’Autriche qui s’abandonne dans les bras du Führer, en passant par les riches rencontres (Romain Rolland, Rilke, Paul Valéry ou Rodin) et les années folles à Paris et Berlin. Se mêlent dans ce récit le désespoir de l’auteur et cette pulsion de vie avec ces appels aux Européens à un sursaut. Exilé au Brésil, dernière étape de son interminable exil, Stefan Zweig enverra son manuscrit, avant de se donner la mort le lendemain.
Autre texte que j’aime à retrouver, c’est le discours de Louise Weiss, prononcé le 17 juillet 1979 en tant que doyenne (elle a alors 86 ans) du nouveau Parlement européen dont les membres viennent d’être élus pour la première fois au suffrage universel. La journaliste, combattante de la paix et du droit de vote des femmes, même si elle reconnaissait que les institutions européennes ont fait des betteraves et des cochons européens, mais pas d’hommes européens, déclarait : « Qu’elles qu’aient été les flèches (dont les miennes) tirées contre les structures européennes actuelles, il n’est que justice d’en revenir à nos compliments et à nos mercis. Elles ont œuvré de leur mieux… nous ont épargné le pire des asservissements unilatéraux, destructeurs de nos caractéristiques nationales ».
Stefan Zweig et Louise Weiss me donnent bien des raisons d’aller voter dimanche !