A la fin du siècle dernier, nombre d’experts nous annonçaient un XXIème siècle comme étant celui des services et de l’immatériel. Depuis, la crise économique de 2008, la COVID et la guerre en Ukraine ont montré le rôle majeur des matières premières dans les relations internationales. Dans Géopolitique de l’agriculture (1), le directeur du Club Demeter, Sébastien Abis, et l’universitaire Pierre Blanc, nous font découvrir ces immenses enjeux géopolitiques.
Ce constat n’est pas nouveau. Dès l’invention de l’agriculture, la sécurité alimentaire s’est imposée au cœur des stratégies de puissance. Depuis, la plupart des conflits et révolutions traduisent la prégnante question foncière : de la Révolution chinoise à l’opération Barbarossa menée en 1941 par le Troisième Reich en Ukraine pour conquérir des terres fertiles, après les famines staliniennes, en passant par le conflit israélo-palestinien. Un autre aspect lié à ces conflits fonciers est l’opposition récurrente entre pasteurs et agriculteurs, depuis l’épisode biblique de l’assassinat du berger Abel par son frère Caïn, agriculteur, jusqu’à la guerre du Rwanda, avec l’opposition entre éleveurs tutsis et agriculteurs hutus.
Durant la guerre froide, l’on redécouvre le pouvoir vert avec la stratégie américaine de conditionner l’aide alimentaire à un jeu d’alliances diplomatiques. A l’époque les Etats-Unis sont hégémoniques. Ce qui n’est désormais plus le cas ! Et Poutine a bien compris lui aussi l’importance des matières premières dans les enjeux politiques actuels en imposant la Russie, qui pèse aujourd’hui 20 % du marché mondial du blé, comme une puissance agricole de premier plan. Même évolution pour le Brésil ou, dans un autre registre, la Chine, qui tente de pallier sa géographie hostile en devenant un acteur essentiel du marché mondial à travers les routes de la soie…
Force est de constater que, dans un monde désormais multipolaire et instable, la géopolitique agricole s’inscrit de plus en plus au cœur des problématiques de puissance, à rebours des prévisionnistes, il y a deux décennies.
1/ Editions Eyrolles/IRIS – 183 pages – 18, 90 €