Professions de foi non distribuées (même au second tour !), débats parfois violents, enjeu présidentiel dominant, abstention record…, témoignent d’une démocratie en crise, tant le fossé séparant le monde politique des citoyens se creuse. Le tout sur fond de fragmentation de la société et d’un débat politique qui ne laisse guère de place à la nuance alors que les enjeux sont de plus en plus complexes. Pourtant le peuple français cultive une passion très ancienne pour la chose publique, mais déteste plus qu’ailleurs ses élites politiques, qui, il est vrai, ne manifestent pas toujours le meilleur d’eux-mêmes.
L’actualité offre parfois des contrastes saisissants. Ainsi, au lendemain du premier tour, l’on redécouvrait le parcours exemplaire de Robert Schuman, après que l’Eglise catholique ait décidé d’ouvrir la voie à une sanctification. Une démarche rarissime pour un homme politique ! Certes le parcours de ce visionnaire, promoteur de la réconciliation franco-allemande et de la construction européenne, n’est pas exempt d’erreurs, comme le vote des pleins pouvoirs à Pétain en 1940, qu’il regrettera par la suite, mais exprima toujours son souci de servir pour le bien commun, inspirant le respect. Son contemporain, le socialiste André Philip évoquait un homme d’une grande sobriété, sans désir personnel et d’une humilité intellectuelle, et un vrai démocrate, imaginatif, constructif dans la douceur, toujours respectueux de l’homme.
Sans doute manque-t-on de personnalités comme Robert Schuman, même si, à son époque, le personnel politique n’était globalement sans doute pas meilleur qu’aujourd’hui. Pas sûr toutefois que la société actuelle soit capable de faire émerger de tels personnages. En d’autres termes, élirait-on aujourd’hui un Robert Schuman, dans un contexte où la communication politique semble avoir pris le pas sur l’idéal commun, le court terme sur les grands enjeux du futur, et avec des chaînes TV d’information en continu qui dictent au quotidien l’agenda politique… ?