L’une des principales leçons du premier tour de scrutin, c’est l’ancrage du vote Marine Le Pen dans le monde rural. Même en Bretagne, terres traditionnellement démocrates chrétiennes et rempart longtemps puissant contre les valeurs du Front National, les digues ont sauté. Alors que dire de ces régions moins cléricales, comme la Picardie. Dans mon village, Breny, dans l’Aisne, lors des deux derniers scrutins présidentiels, Jean-Marie Le Pen faisait la course en tête avec près de 30 % des votants. Cette fois-ci, sa fille recueille 62 voix sur 145 votants, soit 43 % des suffrages… Et ce n’est pas une exception, dans la plupart des cantons ruraux de l’Aisne, le vote Marine Le Pen représente entre 30 et 40 % des suffrages, alors que la population est peu concernée par la thématique de l’immigration. D’ailleurs, le conseiller municipal le mieux élu de mon village est issu de l’immigration.
Sans doute, faut-il rechercher les causes ailleurs ? Dans une forme de désespérance. Les différents candidats, s’ils se sont montrés au salon de l’agriculture, ont peu abordé la crise de la ruralité. Oubliée des grands médias, la population rurale, disposant souvent d’un faible revenu, ne trouve pas sa place dans les grands débats nationaux. Dans nos sociétés modernes, le global assure sa suprématie sur le local, et les réseaux s’imposent sur les lieux de proximité. Le lien social se délite. On se parle peu et on ne se croise plus guère qu’au supermarché de la ville.
Ce scrutin révèle une fracture territoriale, déjà perçue lors des référendums sur l’Europe. Après les banlieues, qui semblent désormais moins séduites par le vote Front national, ce sont les campagnes qui crient une vraie désespérance. Parmi les multiples et complexes dossiers qu’aura à gérer le prochain chef de l’État, il y a cette fracture territoriale qui est aussi sociale et culturelle. Bon courage, Monsieur le Président !