Dans quelques jours l’Europe commémorera la chute du mur de Berlin. C’était le 9 novembre 1989, un jour presque ordinaire jusqu’à 19 heures, avant cette sidérante liesse populaire, avec ces files de trabans, ces retrouvailles de familles séparées, et Rostropovitch interprétant les suites de Bach à Check Point Charlie…En quelques heures, s’effondrent des pans de ce mur de 165 kilomètres de long, qui séparait la consumériste et multicolore Berlin-Ouest de Berlin-Est engoncée dans les nuances de gris et les restrictions. Quelques semaines plus tôt, malgré les écrits de Soljenitsyne, les discours de Sakharov et le théâtre de Vaclav Havel, la glasnost de Gorbatchev et Solidarnosc de Walesa…, personne n’imaginait un tel scénario si soudain.
Cet événement majeur de la fin du XXème siècle, (à la fois si proche et déjà si lointain !), met fin à la guerre froide, engage la réunification allemande, entraîne la fin du rideau de fer, la dislocation de l’URSS et l’émergence d’une nouvelle Europe avec l’instauration de l’euro et le recentrage de l’Allemagne, au cœur d’une Union élargie sur son flanc Est. A l’époque l’inquiétude des dirigeants européens, comme François Mitterrand ou Margaret Thatcher, est notable, semblant partager cette formule de François Mauriac : « J’aime tellement l’Allemagne, que je préfère qu’il y en ait deux ». Est définitivement remis en cause également ce « deal » implicite des débuts de la construction européenne entre une France puissance agricole et une Allemagne fédérale puissance industrielle. Les difficultés de la réunification surmontées, l’Allemagne va moderniser les grandes fermes d’Etat, supplantant désormais la France dans la hiérarchie des pays européens exportateurs de produits agricoles.
Trois décennies après, dans une Europe embourbée par l’interminable feuilleton du Brexit, les démocraties « illibérales » de Hongrie ou de Pologne, prêtes à reconstruire de nouveaux murs, et la montée en puissance de l’extrême-droite dans les Länder de l’Est n’ont plus rien à voir avec l’espoir de cette jeunesse en liesse, assoiffée de liberté, partie à l’assaut de ce « mur de la honte ».