Le débat autour de la chloroquine, comme éventuelle solution pour faire baisser la charge virale du Covid 19, qui divise la communauté médicale entre partisans et détracteurs du professeur Didier Raoult, n’est pas une nouveauté. Du procès de Galilée au débat sur la mémoire de l’eau de Jacques Benveniste, l’histoire des sciences est truffée de controverses. L’origine des espèces de Charles Darwin avait en son temps suscité bien des critiques. Gregor Mendel avait découvert les lois de l’hérédité dans l’indifférence générale. Louis Pasteur n’était pas considéré par le monde médical parce qu’il n’était pas médecin. Le grand botaniste russe Vavilov est mort de faim dans les geôles staliniennes parce qu’il s’était opposé aux théories agronomiques farfelues de Lyssenko.
Les exemples abondent, témoignant souvent des duels d’égo, comme ces rivalités passionnelles entre Lamarck et Cuvier sur la transmission héréditaire des caractères, Pasteur et Pouchet sur la génération spontanée, Buffon et Linné à propos de la classification des plantes… Les débuts de la médecine vétérinaire en France furent marqués par l’opposition entre deux fortes personnalités, Claude Bourgelat, un avocat qui créera les premières écoles vétérinaires, et Etienne Lafosse, qui appartient à l’élite des maréchaux ferrants. Ces derniers tiennent alors le haut du pavé en matière de médecine vétérinaire. Mais les projets de Lafosse seront systématiquement contrecarrés par Bourgelat qui dispose de nombreux appuis.
Récemment Arte a diffusé un documentaire « Pasteur – Koch, un duel de géants dans le monde des microbes » (1) qui témoigne de la rivalité féroce entre les deux savants, sur fond de nationalisme exacerbé après la guerre de 1870. Le Français découvrira le vaccin contre la rage, l’Allemand identifiera la bactérie de la tuberculose et tous deux révolutionneront la médecine. Ce n’est que peu avant la mort de Pasteur qu’ils se rapprocheront, chacun exprimant à l’autre son estime. L’on aimerait que les débats actuels entre médecins se terminent ainsi !
(1) Le documentaire s’est inspiré du livre d’Annick Perrot et Maxime Schwartz : Pasteur-Koch, un duel de géants – Odile Jacob – 2014.