Je n’ai pas été surpris par le séisme politique du 25 mai. Et pour cause, je vis dans l’Aisne, le département qui a le plus voté (à plus de 40 %) en faveur du Front national aux élections européennes. Lien de cause à effet ?, l’Aisne est l’image de cette France périphérique, à l’écart des grandes métropoles, cette France des bourgs ruraux et périurbains, des ouvriers et des classes moyennes en voie de paupérisation. Récemment, l’évêque de Soissons, Mgr Hervé Giraud, par ailleurs juré au Festival de Cannes, se disait touché par le film des frères Dardenne, mettant en scène une femme (Marion Cotillard) qui lutte pour garder son travail, car, confiait-il, « la finesse d’analyse sociale du film rejoint la réalité de l’Aisne ». L’ecclésiastique est l’une des rares voix dans ce département à s’exprimer sur le sujet, où l’on n’entend guère les élus ! Et pourtant cette crise qui mine le lien social, se double désormais d’une crise politique majeure. Car si l’on ramène les résultats de chacune des listes au nombre d’inscrits (ce que les analystes ne font jamais, tant les chiffres sont effroyables !) on obtient pour l’Aisne, avec plus de 60% d’abstentionnistes, de votes blancs et nuls, un FN qui recueille 16,7 % des suffrages, suivi par l’UMP (8,6 %), le PS (4,5 %), les centristes (2,8 %), le Front de Gauche (2,4 %) et les Verts (2,2 %)… Au-delà du choc tectonique, surgit un cri de détresse, vite masqué par ces scandales politico-financiers qui minent une démocratie bien malade. Cercle vicieux ! « Nous sommes dans une ère post-démocratique. Il n’est pas seulement question d’europhobie ou d’europhilie. C’est bien pire : les électeurs détestent tous les partis, toutes les élites », écrivait avant le scrutin l’intellectuel belge David Van Reybrouck qui prône, à côté d’une assemblée élue, une chambre composée de membres choisis au hasard parmi la population pour permettre une meilleure représentation de la société. Projet populiste, s’insurgeront nos élites !