Aucun événement sportif ou culturel ne traduit mieux un siècle de mutations et de passions françaises que le Tour de France, comme en témoigne le documentaire Le Tour de France, une passion française, diffusé la semaine dernière sur France 3. Le Tour de France est en effet le miroir de notre société et de ses passions. Dès sa création en 1903, le peuple se reconnaît dans ces « forçats de la route », pour la plupart issus des mondes ouvrier et paysan.
La Grande Boucle accompagne les mutations, les meilleures comme les pires. Ainsi dès 1910, le Tour met en place des équipes nationales au lieu des équipes de marque, comme annonciateur de la montée des nationalismes. En 1936, l’instauration des congés payés redonne de l’engouement à ce spectacle, le dernier aujourd’hui à rester gratuit. Longtemps Tour des clochers et des villages, il s’est adapté à une société désormais fortement urbanisée, avec des villes qui se disputent les arrivées et des départs. Ce qui leur coûtent beaucoup d’argent, mais leur ouvrent une médiatisation mondiale. Durant les Trente glorieuses, la caravane publicitaire marque l’entrée dans la société de consommation, avant que l’argent n’investisse encore plus le monde du vélo, avec notamment l’arrivée de Bernard Tapie qui n’hésite pas à associer intérêts commerciaux et stratégie sportive. Un flux d’argent qui impose aux coureurs d’être toujours plus compétitifs. D’où le recours au dopage, qui, paradoxalement, ne remettra pas en cause la forte popularité de la Grande Boucle.
Dans le même temps, le Tour sort des frontières de l’Hexagone. En 1987, le départ à Berlin semble préfigurer la chute du Mur. Le Tour s’européanise donc, puis se mondialise : désormais 190 pays retransmettent la compétition. Aux coureurs, longtemps essentiellement originaires de l’Europe d’Ouest, se sont ajoutés ceux venus des cinq continents. Evolutions qui font du Tour un exceptionnel promoteur d’une certaine idée de la France, de sa géographie, de ses paysages, de son agriculture, de sa culture…