Vingt-ans après la « Grande Moisson », l’agriculture a de nouveau squatté les Champs-Elysées, avec « Nature Capitale ». Mais que de différences entre ces deux initiatives ! Au jaune uniforme du blé, moissonné par de rutilantes moissonneuses batteuses, symbole d’un productivisme de hautes technologies, avait succédé toute une palette de verts provenant de 150 espèces végétales… comme un éloge de la biodiversité et de la nature.
Mais la biodiversité en agriculture, c’est beaucoup plus compliqué que veulent bien nous le dire les initiateurs de « Nature Capitale ». Car l’histoire de l’agriculture, c’est presque celle de la lutte contre la diversité. La vocation de l’agriculture ne consiste-elle pas en effet à favoriser quelques variétés dominantes en limitant les autres organismes vivants qui peuvent concurrencer la plante pour son accès à l’eau, à la lumière et à la nourriture du sol. Et puis, au fil des siècles, l’agriculture a été un redoutable facteur d’uniformité. Au moment de la Révolution néolithique, nos lointains ancêtres connaissaient l’usage de 5 000 plantes alimentaires. Aujourd’hui sur 150 espèces végétales inscrites au registre du commerce international, une quinzaine ont une réelle importance. La biodiversité, c’est sans doute l’enjeu majeur des prochaines décennies, plus important que le réchauffement climatique, du moins pour l’agriculture. Mais cela signifie de revoir nos schémas de pensée en refusant la simplification à l’extrême de nos manières de produire et en apprenant à gérer la complexité des écosystèmes. Et puis, la biodiversité, ce sont aussi les hommes et cette grande diversité de paysans, de par le monde et dans l’Hexagone, pas toujours respectueux les uns pour les autres. Récemment, j’entendais un voisin, céréalier ayant d’importantes responsabilités, affirmer qu’on devrait réserver les primes européennes aux producteurs du Nord de la Loire. En matière de biodiversité, il reste bien du chemin à faire !