En 1976, l’intellectuel Emmanuel Todd, surpris par la hausse du taux de mortalité infantile en URSS, – évolution unique dans un pays industrialisé-, avait prédit dans un livre La Chute finale, la décomposition de l’empire soviétique, quinze ans avant l’éclatement de l’URSS. Il est des indicateurs statistiques qui en disent long sur les évolutions voire les ruptures de nos sociétés. La semaine dernière, l’INSEE publiait son bilan démographique de la France, avec ce constat d’un plafonnement depuis quatre ans de l’espérance de vie des Français, alors que, durant tout le XXème siècle, l’espérance de vie pour les hommes est passée de 45 à 74 ans et pour les femmes de 49 à 82 ans, soit trois mois d’espérance de vie gagnés chaque année. Pour remonter plus loin dans le temps, l’espérance de vie d’un paysan au Moyen-Age ne dépassait pas les 30 ans. Malgré ce plafonnement qui concerne la plupart des pays développés, la France demeure plutôt bien placée (79,4 ans pour les hommes et 85,3 ans pour les femmes), mais elle fait moins bien dans l’espérance de vie en bonne santé.
Alors, ce plafonnement, une rupture ou la reconnaissance que l’on approche de nos limites biologiques ? Sans doute des progrès médicaux, comme vaincre le cancer, permettraient de franchir un nouveau palier, avec quelques années de vie supplémentaires. Loin toutefois des espoirs des mouvements transhumanistes, (- marginaux hier, mais désormais soutenus par de très grandes entreprises) qui, en voulant accroître les capacités de l’homme par les technologies, espèrent prolonger considérablement la durée de vie, voire rêvent d’immortalité. Signe que nos sociétés techniciennes, qui ont désacralisé la mort, acceptent de moins en moins la finitude humaine. « L’éternité, c’est long… Surtout vers la fin », écrivait Franz Kafka, tandis qu’Oscar Wilde conseillait : « Il ne faut pas chercher à rajouter des années à sa vie, mais plutôt essayer de rajouter de la vie aux années ».