Ce dont témoigne cette pandémie, c’est de notre fragilité, de nos fragilités. Fragilités que l’on semblait oublier dans nos sociétés technologiquement sophistiquées, rêvant parfois de transhumanisme et d’immortalité et exprimant un fort sentiment de solidité comme pour masquer une vulnérabilité grandissante. Or nous redécouvrons que nous, humains, sommes mortels et, ô combien, fragiles et que, nous, civilisations, sommes aussi mortelles. Car le coronavirus met en évidence toutes nos fragilités collectives : fragilité d’un monde éclaté qui ne semble plus croire aux vertus du multilatéralisme ; fragilité de l’Europe, épicentre de l’épidémie, mais inexistante ; fragilité de la planète devant les enjeux environnementaux ; fragilité de l’économie financière mondiale, avec la plongée des places boursières. Plus concrètement nous avons pris conscience de la fragilité de nos circuits logistiques, quand, à force de délocalisations industrielles et de gestion en flux tendus, on en vient à constater que notre approvisionnement en principes actifs médicamenteux dépend à 80 % de la Chine et de l’Inde. Nous semblons aussi découvrir la fragilité de nos systèmes de santé marqués depuis plus d’une décennie par une gestion comptable des hôpitaux et, depuis bien plus longtemps encore, par un manque flagrant de reconnaissance à l’égard des personnels soignants. Le tout sur fond de fragilité de nos idéologies, où le tout marché remet régulièrement en cause l’action des Etats. Il nous faut ces temps de crise pour nous rendre compte de l’importance de l’Etat dans la régulation de certains secteurs producteurs de services ou de biens vitaux comme la santé, mais aussi l’agriculture, le logement, l’éducation, la recherche, la culture… Enfin, il y a cette dernière fragilité qui nous fait dire qu’après une crise de cette ampleur, plus rien ne sera comme avant, alors qu’une fois la crise passée, nous avons tendance oubliant les leçons à retourner vers nos vieux démons. Cette fois-ci, saurons-nous en tirer les conséquences ? Et réapprendrons-nous à prendre conscience de nos fragilités pour mieux s’en enrichir et les vivre ?