« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée… » Prémonitoire, cet extrait de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, publié en 1831. L’auteur des Misérables ne pouvait imaginer l’immense émotion des spectateurs du monde entier, croyants et incroyants, Français et Etrangers, face à cette cathédrale, témoin d’éternité et de fragilité, qui partait en flamme. Tous émus, unis comme par un deuil, tant Notre-Dame, haut-lieu de célébration monarchique sous l’Ancien Régime avant de promouvoir sous la Révolution le culte de la raison, incarnait l’histoire religieuse et l’Histoire, tout court : du sacre de Napoléon aux obsèques officiels de Charles de Gaulle, Georges Pompidou et François Mitterrand, sans oublier le Te Deum de la Victoire de 1918 et celui de la Libération de Paris, en 1944.
Mais cette cathédrale comme les 87 autres de l’Hexagone ne reflète pas seulement l’histoire de l’urbanité. Car comme le notait, dans Le Temps des cathédrales, l’historien Georges Duby, qui voyait dans les sculptures des bœufs placées au sommet des tours d’un autre joyau du gothique, la cathédrale de Laon, comme un hommage rendu au travail rustique : « L’art urbain, l’art des cathédrales a puisé dans les campagnes proches le principal aliment de sa croissance et ce furent les efforts des innombrables pionniers… qui, dans les succès d’une immense conquête agricole, le portèrent à son accomplissement ». En premier lieu, cette charpente de Notre-Dame constituée de 1 300 chênes vieux de plus de 900 ans.
Mais pour un chef d’œuvre meurtri suscitant tant de compassion et de générosité, combien d’églises en péril (parfois de petits joyaux) oubliées dans nos villages !