Chaque année, la couverture du salon de l’agriculture par les médias nous montre deux facettes du monde agricole, avec ce contraste saisissant, entre d’un côté la réalité sociale, le mal-être paysan et de l’autre une agriculture de hautes technologies qui fait parfois rêver. Robotique et intelligence artificielle, capteurs et puces, habilement vendus par les services marketing des constructeurs suscitent l’enthousiasme, à la fois envoûtant et parfois béat, car l’on peut s’interroger sur les bénéfices escomptés d’investissements souvent très lourds dans un secteur où les marges sont si faibles. Et puis qu’en est-il de l’autonomie de l’agriculteur dans ses choix agronomiques, obéissant à des algorithmes et des logiciels qui imposent modèles et produits. Exit le sixième sens de l’éleveur et le tour de plaine du cultivateur, désormais les yeux rivés sur leurs écrans digitaux et en alerte presque 24 heures sur 24.
Et si les robots non seulement remplaçaient les hommes mais prenaient le pouvoir à la manière dont George Orwell faisait prendre le pouvoir par des animaux dans son livre La ferme des animaux. Dans cet ouvrage publié en 1945, qui se voulait une satire de la révolution bolchevique, un vieux cochon, Sage l’Ancien, incite les animaux de la ferme à la révolte contre leurs maîtres, ces animaux à deux pattes que sont les humains. Ils se révoltent, chassent les hommes de la ferme, prennent le pouvoir dans l’espoir d’une vie meilleure. Mais très vite, leurs idéaux sont dévoyés. Les cochons tombent dans le culte de la personnalité, instaurent une dictature, mettent leurs congénères en état de soumission, exécutent les traîtres… Les nouveaux maîtres ne sont pas mieux que les anciens…
S’il était encore des nôtres, George Orwell, l’inventeur de Big Brother, – dont, soit dit en passant son best-seller 1984, publié en 1948, est, depuis l’élection de Donald Trump, en tête des ventes aux Etats-Unis -, remplacerait sans doute les animaux par des robots, comme pour nous ramener devant cet emballement technologique à cette question essentielle : et l’homme dans tout cela !