Secoué par les fluctuations brutales des bourses et les dettes vertigineuses des États européens, le monde de la finance n’a pas connu de trêve estivale. Pourtant derrière ces déficits abyssaux, l’événement économique majeur des dernières années n’est-il pas plutôt la revanche du secteur primaire ? C’est du moins l’opinion du président d’un fonds de pension de Boston qui considère que l’accélération de la demande de matières premières sur l’offre est l’événement le plus important depuis la Révolution industrielle. Depuis 2008, la terre et les produits agricoles aiguisent les appétits voraces des traders, qui y trouvent un moyen de se refaire une santé.
L’agriculture entre ainsi de plain-pied dans l’économie financière. Rien de bien nouveau pourtant. Car le premier krach financier concernait un produit agricole : les bulbes de tulipes qui faisaient l’objet d’un commerce lucratif. C’était au Pays-Bas au 17ème siècle. On s’arrachait certaines variétés à des prix exorbitants, atteignant parfois la valeur d’une maison bourgeoise à Amsterdam. Et puis un jour de février 1637, un acheteur se trouve dans l’incapacité de payer. C’est le krach. Les prix s’effondrent. Les spéculateurs font faillite.
L’agriculture a été aussi le premier secteur à inventer des produits dérivés, avec en 1865, la création par la Bourse des céréales de Chicago du premier marché à terme. A l’époque il s’agissait alors de lutter contre l’instabilité des cours. Désormais c’est la volatilité qui intéresse les nouveaux spéculateurs. Dans la plus totale opacité, un opérateur peut acheter le lundi des milliers de tonnes de maïs, les revendre le vendredi, et empocher 20 ou 30 % de profit, sans qu’aucune transaction de marchandises n’ait été effectuée. Quand on joue au casino l’accès ou non des populations les plus vulnérables aux denrées alimentaires, c’est le signe que cela ne tourne pas bien rond sur notre planète Terre.