Désormais la limitation à 80 km/h s’applique sur les routes secondaires. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, c’est la décision gouvernementale la plus contestée : 70 % des Français y sont fermement opposés. Il est vrai qu’à chaque nouvelle mesure de ce type, du passage de 100 à 90 km/h en 1974 à la multiplication des radars fixes et mobiles, en passant par l’obligation du port de la ceinture de sécurité et la baisse du seuil d’alcoolémie, la fronde est récurrente, avant que ces mesures ne soient finalement acceptées.
Cette fronde s’explique par le fait que la voiture reste ancrée dans nos vies. Au-delà de sa fonction mobilité, et malgré les bouchons, la pollution, les coûts, le stress, elle demeure symbole de liberté, d’autonomie, d’émancipation, signe de réussite sociale et d’affirmation de soi mais aussi volonté de puissance à travers le plaisir de la vitesse, cause d’un tiers des accidents.
Ces dernières semaines, la presse a mis en exergue la grogne des campagnes contre une décision des élites urbaines qui méconnaissent les contraintes des ruraux. La cause de la ruralité mérite meilleur argument. Certes à la campagne, la voiture est incontournable, mais les ruraux paient un lourd tribut car les routes, parfois jalonnées de croix et de silhouettes noires, y sont plus dangereuses. Entre 2012 et 2016, 56 % de la mortalité routière s’est produite sur des routes à double sens, sans séparateur central et hors agglomération. Mais voilà, dans l’inconscient collectif, un mort sur la route, c’est un drame, 3 600, c’est une statistique…
Quant à l’argument évoqué par certains lobbyistes à propos du « temps de vie sociale en moins », il frise le grotesque : une minute et demie de perdue sur un trajet de 40 kilomètres ! Paradoxalement, en une époque où nous disposons de beaucoup plus de temps libre que les générations qui nous ont précédées, nous avons l’impression d’en avoir moins. La voiture impose aussi un autre rapport au temps !