A l’occasion du 50ème anniversaire de la mort de l’ancien président de la République, une forme de nostalgie de l’homme politique (ou de la période) s’est emparée des médias, si ce n’est de l’opinion publique. Ces années 1969-1974 constituent l’apogée des Trente glorieuses, avec une croissance à 5 %, une dette très faible, un chômage presque inexistant, la modernisation de l’agriculture et le lancement des grands projets : Airbus, le TGV, le nucléaire, le réseau autoroutier… Alors, ces années, symbole des temps heureux ? Pourtant, dès avant la fin de son mandat écourté par la mort, des signes annonciateurs alertaient quant aux risques de la religion du progrès technique et de la croissance économique : avec d’abord en 1972, la publication du rapport du Club de Rome, puis l’année suivante la guerre du Kippour remettant en cause notre approvisionnement en pétrole.
En 1974, un économiste Richard Earsterlin avait montré que même si le revenu réel des Américains s’était accru de 60 % entre 1946 et 1970, la part de ceux qui s’estimaient heureux était restée constante, voire avait baissé, même si, d’année en année, dans les sondages, les enquêtés estimaient la situation financière comme premier élément contribuant au bonheur, devant la famille et la santé.
Alors, si la richesse est un élément important du bonheur, pourquoi une société qui s’enrichit semble-t-elle échouer à rendre ses membres plus heureux ? s’interroge l’économiste Daniel Cohen (récemment décédé) dans Une brève histoire de l’économie (1) avant de proposer cette explication : « La croissance donne à chacun l’espoir, même éphémère, de sortir de sa condition, de rattraper les autres, de dépasser ses attentes… Comme un marcheur qui n’atteint jamais l’horizon, l’humain moderne veut devenir constamment plus riche, sans comprendre que cette richesse, une fois qu’elle aura été atteinte, deviendra l’état normal dont il voudra à nouveau s’éloigner. » Peut-être faut-il voir dans cette explication les raisons de cette « Pompidou mania » et de cette nostalgie d’un temps, où la croissance semblait presque infinie… ?
1/ Albin Michel – 170 pages – 19,90 €