Il y a une vingtaine d’années, enquêtant sur les CUMA pour un livre, j’avais été impressionné par le souci de certains responsables qui n’hésitaient pas à organiser pour leurs adhérents des formations à la gestion des conflits. De même, je me souvenais de cette conversation avec l’un des fondateurs d’un GAEC laitier dans l’Yonne qui avait imposé des règles strictes comme l’obligation pour chaque adhérent de payer le lait qu’il se procurait pour sa consommation familiale.
Je me remémorais ces conversations en lisant, il y a quelques jours, l’enquête de La Croix-L’Hebdo, titré : Management : Et si on s’inspirait des moines ? En effet des entreprises font aujourd’hui appel à l’expertise de moines et s’inspirent de la Règle de saint Benoît, fondateur de la tradition monastique occidentale. Cela peut surprendre qu’une Règle si exigeante et stricte qui, depuis plus de 15 siècles, organise pour chaque génération la vie de milliers de moines à travers le monde, suscite l’intérêt de chefs d’entreprises. Mais après tout, certaines congrégations ont fait leur preuve en matière de « management », comme les Bénédictins puis les Cisterciens qui avaient tellement réussi, notamment en gérant d’immenses domaines agricoles au Moyen-Age, qu’ils en avaient négligé le vœu de pauvreté.
Paradoxalement la Règle de saint Benoît répond au moins partiellement à quelques questionnements en ces temps de confinement, comme le télétravail, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ou la gouvernance très horizontale des start-ups. Et puis face à la sophistication des modèles de management, il y a sans doute ce souci d’en revenir à des règles simples et pleines de bons sens, comme réfléchir au sens du travail parmi d’autres activités, valoriser l’écoute mutuelle et le silence pour bien décider, adopter la mesure pour résoudre les conflits et éviter les maladresses, et l’humilité pour valoriser ses erreurs et ses échecs… Toutes règles qui inspiraient ces responsables de CUMA, rencontrés il y a vingt ans.