Au Forum de Davos, gotha du capitalisme mondial, le thème des inégalités s’était invité dans les débats. Non que les financiers de la planète se soient convertis au dogme marxiste. Car le fossé entre riches et pauvres les inquiètent non pas pour des raisons de justice sociale mais parce qu’il est un risque pour la stabilité économique. Depuis vingt ans en effet, si les inégalités entre pays ont tendance à se réduire, elles ne cessent de se creuser au sein des nations. 1 % des plus riches américains se sont accaparés, depuis 2009, 95 % des fruits de la croissance, nous dit l’organisation humanitaire Oxfam qui constate que les 85 plus grosses fortunes de la planète possèdent plus de richesses que les 3,5 milliards de personnes les plus pauvres. Certains patrons du CAC 40 touchent toutes primes confondues l’équivalent de plus de 20 000 SMIC. En son temps, Platon estimait qu’il ne fallait pas dépasser un écart de un à quatre entre riches et pauvres. Jean-Luc Mélenchon, aujourd’hui, se contente de proposer un écart de un à vingt. Certains cathos vont plus loin, comme le jésuite Gaël Giraud et l’assomptionniste Cécile Renouard, tous deux chercheurs (de haut niveau) en économie, qui, dans un livre Facteur 12, demandaient le plafonnement des revenus dans un écart qui ne dépasse pas 1 à 12, estimant que, contrairement aux idées reçues, ce n’est pas parce que l’on gagne beaucoup d’argent que l’on crée plus de valeurs. « Non à l’argent qui gouverne au lieu de servir », martèle de son côté, un autre catho, le pape François, qui écrit dans la récente encyclique Evangelii Gaudium : « L’adoration de l’antique Veau d’or a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage. » Saura-t-il convaincre les marchands du temple de Davos à plus de partage ?