Il y a 50 ans, l’agronome René Dumont publiait L’Afrique noire est mal partie, un livre référence qui fit scandale en Afrique dans l’euphorie des indépendances et que réédite Le Seuil. J’avais lu ce livre, après que René Dumont ait été le premier candidat écologiste aux présidentielles de 1974. M’était surtout restée en mémoire la dénonciation d’élites africaines. Mémoire sélective liée à l’époque aux dénonciations parfois provocatrices de l’écologiste Dumont, même si, sur le fond, il avait raison. Relisant cet ouvrage, je découvre un René Dumont, réformiste et productiviste, aux analyses rigoureuses et aux enquêtes de terrain minutieuses, préconisant la révolution fourragère et l’utilisation de l’énergie animale, le développement du crédit rural et l’éducation des ruraux… pour que les paysans africains retrouvent leur dignité et ne soient plus méprisés par les élites.
50 ans plus tard, force est de constater qu’on n’a guère écouté René Dumont. En 1980, Léopold Senghor, alors président du Sénégal, lui confiait : « Mes ministres étaient très fâchés par votre livre… Je leur ai dit : « si Dumont a tort, prouvez-le ; s’il n’a pas tort, faites ce qu’il dit ». Maintenant, je sais que vous aviez parfaitement raison. » Aujourd’hui les défis demeurent, sur fond d’accaparement des terres et de réchauffement climatique, de faible productivité et d’insécurité alimentaire. Malgré tout, il existe quelques raisons d’espérer, selon Marc Dufumier, l’un de ses successeurs à la chaire d’agriculture comparée de l’Agro. Le président de Fondation René Dumont voit d’un bon œil l’accélération de la croissance économique dans cette zone et le développement des organisations paysannes. Peut-être enfin les élites africaines découvrent-elles le bien-fondé des leçons de Dumont, dont un universitaire africain a écrit qu’il était « un juste et un sage au sens paysan et africain du terme » ?