Le mois mendiant, une tradition chez les Jésuites, est une sorte de rite d’initiation, qui amène chaque postulant à partir en pèlerinage, sans téléphone portable, sans argent, sans tente, abandonné aux hasards de la route, qui plus est en compagnie d’un autre novice non choisi. C’est ce récit d’un mois d’aventure que raconte dans son livre Le chemin des estives, Charles Wright, qui a été journaliste, éditeur et même plume d’un ministre. « Mes fringales d’absolu, explique l’auteur, peinaient à s’étancher dans la France de Macron. Le Black Friday, les boucles de BFM et le racolage d’Instagram laissaient dans mon cœur un grand vide. »
L’on chemine ainsi d’Angoulême à l’abbaye des neiges dans l’Ardèche, sept cents kilomètres dans cet « archipel préservé de l’accélération, de la folie du monde », qu’est le Massif Central, en compagnie de nos deux novices mais aussi avec Arthur Rimbaud et Charles de Foucauld, dont on se rendra compte au fil des pages combien ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau.
Malgré les difficultés, la faim, l’humiliation de demander sa pitance à des inconnus ! la chaleur, la fatigue…, la vie errante, pour l’auteur, est une ivresse, la liberté à l’état pur, et la nature, le meilleur antidote contre la déprime. Il y a ces rencontres de grande richesse avec ces habitants qui aspirent à la lenteur et aux choses simples, les fabuleux paysages de ces terres déclassées, la compagnie des arbres, vieux patriarches incarnant des vertus démodées, et des vaches, professeurs de vie mystique, pour Charles Wright qui ajoute : « Les bêtes nous humanisent, elles éveillent en nous des trésors de tendresse. Il y a une joie divine à les côtoyer. »
En ces temps de sobriété imposée, ce livre, ode à la liberté, est un antidote au pessimisme ambiant. Il nous dit avec éclat combien le bonheur est à portée de main. Encore faut-il faire confiance, savoir s’émerveiller et se dire qu’une vie réussie n’est pas forcément une vie bien remplie…
Le chemin des estives – éditions J’ai lu – 350 pages – 8 €.