Entendue cette semaine à la radio, cette information à propos de travaux réalisés par des chercheurs américains pour tenter de découvrir les recettes en vue de « fabriquer » un best-seller. Pour cela ils utilisèrent un millier d’ordinateurs pour analyser et comparer les grands succès de librairie, niant ainsi la part d’irrationnel dans l’histoire d’un livre ! Que sera notre humanité, lorsqu’il n’y aura plus que des best-sellers conçus par algorithmes ? Déjà que la tendance est à la concentration des ventes autour de quelques dizaines d’ouvrages, sur les 80 000 parutions annuelles !
Cette diversité éditoriale, je l’ai retrouvée samedi dernier dans la petite librairie de Château-Thierry qui m’avait invité pour une séance de dédicaces. Chaque librairie est unique, – celle-ci, par le contexte local, honore le fabuliste Jean de La Fontaine et les ouvrages sur le Champagne et la Grande Guerre -, mais toutes les librairies de France et d’ailleurs ont en commun d’être de riches lieux d’échanges.
Ce jour-là, un ancien brigadier de gendarmerie, une professeure d’allemand à la retraite, des dames qui trouvent dans les livres le meilleur remède contre la solitude, des agriculteurs et des édiles de la ville… échangent sur la disparition des services publics dans les campagnes, les difficultés du commerce de proximité, ou des rapports tumultueux entre agriculteurs et chasseurs, lorsqu’entre dans la librairie une jeune adolescente, accompagnée par son père. Elle a effectué dans cette librairie un stage d’une semaine, et apporte pour remercier de l’accueil une boîte de chocolats à la libraire qui s’empresse de les partager avec les clients.
Dans ce monde, obnubilé par le digital, qu’une collégienne choisisse d’effectuer un stage dans le monde des livres me réconforte quant à l’avenir de l’humanité et me fait oublier cette information sur la fabrication de best-sellers. « Une bibliothèque, c’est le carrefour de tous les rêves de l’humanité », écrivait Julien Green. On peut le dire aussi d’une librairie.