Il y a plusieurs années, lors d’un colloque de la Société Française d’Économie Rurale, un agro-économiste avait modélisé les conséquences de la mise en place des quotas laitiers sur la structure de la production. Selon les cas, il en arrivait à des conclusions totalement opposées. Depuis je me méfie de ces modèles mathématiques, d’ailleurs incompréhensibles par le commun des mortels. Fait nouveau, des chercheurs osent désormais critiquer cette mathématisation forcée de l’économie, une science pourtant si peu exacte mais qui se targue de l’être. C’est le cas de Paul Krugman, Prix Nobel d’Économie. Récemment, dans le mensuel Alternatives économiques, il expliquait pourquoi les économistes avaient failli ces dernières années. Ils n’ont pas vu venir la crise, ne concevaient pas même la possibilité d’une telle crise et ont été incapables de donner des conseils utiles sur ce qu’il fallait faire après le déclenchement de la crise, dit en substance Paul Krugman qui regrette que ses collègues aient privilégié les mathématiques à l’histoire, la modélisation et la foi inébranlable en la sagesse des marchés à l’expérience des anciens.
La semaine passée, dans Le Monde, Astrid Dick, lauréate 2012 du meilleur article de recherche en finance, portait un regard tout aussi iconoclaste. Cette femme de 39 ans avait choisi de faire de la recherche en économie pour mieux comprendre le monde et l’améliorer. Aujourd’hui, elle en constate les limites : « On utilise, en général, les mathématiques et ses principes académiques sans se rendre compte qu’écrire une équation, c’est déjà adopter un point de vue idéologique, une conception du monde ». Depuis Astrid Dick qui menait une brillante carrière internationale a décidé d’abandonner l’économie pour se consacrer totalement à la peinture. Faute de pouvoir améliorer le monde, elle veut porter un regard différent sur notre environnement. Sans doute l’art ne traduit pas forcément mieux la réalité du monde que l’économie, mais du moins permet-il de trouver quelques raisons d’espérer !