C’est un fabuleux destin que nous conte Hélène Vergonjeanne, dans son roman historique consacré à François Quesnay, Un laboureur de Versailles. L’auteure qui vit à Méré dans les Yvelines, là où est né Quesnay, nous montre comment ce fils de laboureur, destiné à cultiver la ferme familiale, deviendra l’un des pères de l’économie politique. A treize ans, il ne sait ni lire ni écrire. Il se rattrapera par la suite. Passionné par les livres, il part comme apprenti graveur à Paris. Puis il étudie la chirurgie et y excelle. A la mort de son épouse et de deux de ses enfants, il décide d’apprendre la médecine pour lutter contre l’ignorance du milieu médical d’alors. Il entre à Versailles au service de la favorite de Louis XV, Madame de Pompadour, et du Roi, qui l’appelle « mon penseur », fréquente les salons, participe à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et devient l’un des pères de l’économie politique. Il est le premier à considérer l’économie en termes de flux. François Quesnay est la figure centrale du mouvement des physiocrates qui considère que la terre est l’unique source de richesses. S’inspirant du modèle agricole anglais, il prône l’innovation et demandent la libre circulation des grains à l’intérieur du Royaume. Mais les mesures de libéralisation que prendra Turgot, lui aussi physiocrate, se solderont par « la guerre des farines ». Certes les physiocrates se trompent en assurant que la richesse de l’État ne peut provenir que de l’agriculture, au moment où émergent les prémices de la révolution industrielle. Mais la lecture d’Un Laboureur à Versailles nous amène à penser qu’avec l’actuelle financiarisation d’une économie de plus en plus virtuelle, il est peut-être temps de revenir à des bases plus concrètes. Voltaire qualifiait les physiocrates de « secte d’illuminés », ne pourrait-on renvoyer le compliment à certains acteurs économiques, qui, comme l’a montré la crise des subprimes, ont créé des outils tellement complexes qu’ils sont incapables de les comprendre et de les maîtriser.
Un laboureur à Versailles, Hélène Vergonjeanne, L’Harmattan, 298 pages, 28,50 €.