Tout près de chez moi, un agriculteur exploitant déjà plus d’un millier d’hectares vient de reprendre une exploitation de 420 hectares. Ce genre de transactions, désormais courant, ne suscite plus guère de réactions, si ce n’est de la part de ceux qui « lorgnaient » aussi sur cette exploitation. Au même moment, à vingt kilomètres de là, agriculteurs et élus de l’arrondissement de Château-Thierry participaient à la restitution d’audits en vue de redynamiser l’agriculture locale. A cette occasion, les élus mettaient en avant la difficulté d’approvisionner les cantines scolaires de la ville en produits bio par les producteurs locaux.
Deux informations simultanées et sur une même zone qui témoignent de l’état d’étiolement de l’agriculture. Après tout, sur une partie de ces 420 hectares, on aurait pu installer une vingtaine de maraîchers pouvant répondre à la demande locale.
Autre temps, autres mœurs. Récemment France 2 consacrait une émission à Jean Gabin, le gentleman farmer. Dans les années 1960, l’acteur avait acquis une propriété de 200 hectares dans l’Orne. Ce qui avait suscité une levée de boucliers bien au-delà du bocage normand ! Jean Gabin qui avait connu toutes les gloires n’avait plus qu’un rêve : être considéré comme un agriculteur à part entière. Un objectif qu’il découvre inaccessible, en particulier, lorsqu’en 1976 Michel Debatisse, alors membre du gouvernement, affirme à la télévision qu’il est hors de question que l’acteur bénéficie des aides sécheresse. Le soir-même, Gabin mettait en vente sa propriété. Entre excès de corporatisme hier et excès de libéralisme aujourd’hui, comme le monde a changé en une génération dans son rapport au foncier ! Les lois d’orientation ont été vidées de leur substance et le libéralisme fait la loi. Prenons garde toutefois, car si l’on prolonge les courbes du nombre d’agriculteurs, il ne restera plus qu’une poignée de fermes en France en 2050…