C’était quelques jours avant que le Covid-19 ne nous frappe de plein fouet. Une amie allemande me disait, en plaisantant : « Vous, Français, vous n’aimez pas trop votre président ; nous, Allemands, nous aimons moins notre chancelière, au pouvoir depuis 15 an. Alors échangeons nos dirigeants ! ». Aujourd’hui, cette amie ne propose plus cet échange extravagant… La crise pandémique est passée par là, avec outre-Rhin quatre fois moins de décès qu’en France. Certes l’Allemagne a peut-être eu un peu plus de chance dès le début de l’épidémie, le virus touchant plutôt des gens jeunes, avec donc moins de risque de létalité. Mais, par la suite, à défaut de gérer l’imprévu, elle a tout fait pour l’éviter, avec une meilleure anticipation, grâce à un dépistage précoce et massif, et un système hospitalier mieux équipé. Si bien que 80 % des Allemands se disent aujourd’hui satisfaits de l’action de la chancelière. Deux fois plus que le président français victime de rétropédalage dans la communication gouvernementale. Question de style aussi ! Pendant que notre président tenait un discours martial, Angela Merkel s’exprimait sans effet de manche, se voulant à la fois pragmatique, rassurante et prudente.
Reconnaissons toutefois qu’il est plus simple de gouverner ce peuple allemand, que l’on dit discipliné, plutôt que ces « gaulois réfractaires au changement ». L’Allemagne, sur le mode fédéral, repose sur une culture du consensus avec un dialogue social riche, tandis que la France centralisatrice, malade de sa bureaucratie tatillonne, affectionne la confrontation. Le modèle allemand, que l’on disait mal en point, paraît mieux doté pour gérer la crise à venir et jouer un rôle central en Europe. La chancelière, encore au pouvoir pour 16 mois, et présidente de l’UE à partir du 1er juillet, saura-t-elle convaincre son opinion publique et ses voisins du Nord pour insuffler plus de solidarité (notamment en mutualisant la dette) soulageant ces pays du Sud, ces pays du « club-med », qui soit dit en passant font marcher l’industrie allemande ? Il y va de la survie de l’Union européenne !