La campagne des européennes s’annonce terne sur fond d’indifférence d’une opinion désillusionnée par l’imbroglio européen. Pourtant certains enjeux vitaux, comme les négociations transatlantiques visant à constituer la plus vaste zone de libre-échange au monde, ne seront guère abordés. Et pour cause, la négociation se déroule dans le secret le plus total et les politiques, à l’exception d’un Jean-Pierre Chevènement, d’un Xavier Bertrand et d’un José Bové, jugent le dossier trop complexe et trop peu médiatique pour être abordé devant l’opinion publique. L’objectif du traité est de stimuler la croissance de part et d’autre de l’Atlantique en facilitant l’accès aux marchés et en faisant converger règles commerciales et normes en tous genres. Périlleux défi quand on sait combien sont différentes les approches en matière de protections sanitaires, de normes environnementales, de choix alimentaires. Les autorités européennes auront bien du mal à nous faire accepter l’importation de poulets désinfectés à la javel ! On nous dit que l’Europe est en position de force, avec un excédent de 118 milliards de dollars dans ses échanges avec les Etats-Unis, mais c’est oublier que les Américains maîtrisent leur monnaie, ce qui n’est pas le cas de l’Union européenne. Car sans cadre monétaire stable, le traité serait vite dénué de sens. On le constate, les liens d’amitiés ou de conflits entre l’Europe et les Etats-Unis qui ont jalonné l’histoire de la construction européenne perdurent. En 1966, répondant aux critiques de François Mitterrand, Georges Pompidou déclarait : « Nous sommes aussi européens que vous l’êtes mais nous voulons d’une Europe qui soit européenne et non pas d’une Europe atlantique ». Débat récurrent, sauf qu’aujourd’hui, l’Europe est bien plus atlantiste qu’en 1966. Et Hollande n’est pas De Gaulle, même si la France continue de croire à une Europe à la française tandis que, comme le notait récemment Hubert Védrine, ses partenaires semblent préférer le modèle suisse.