Le mois de novembre suscite la mélancolie aussi bien de par le temps qu’il fait que par le temps qui passe. Les jours sont courts, le climat est souvent triste alors que l’Église catholique honore ses saints et les morts, tandis que la Patrie rend hommage aux combattants de la Première Guerre mondiale. Novembre concentre une grande partie du tragique de notre mémoire. Mais une mémoire d’autant plus indispensable à entretenir qu’elle est mise à mal en ces temps où seul le présent compte, où l’enseignement de l’histoire n’est plus prioritaire, où tout un pan de notre patrimoine architectural et culturel est dilapidé, où les chaînes de télévision d’informations en continue nous abreuvent d’informations en vrac et sans recul, qui, dès le lendemain, n’ont plus guère d’intérêt.
Il y a un an, invité à plancher devant la commission des agricultrices de la FNSEA pour l’écriture d’un livre sur les femmes en agriculture, je dus batailler ferme pour que ce livre évoque également le passé. Et notamment ces siècles de soumission des femmes dans des sociétés patriarcales, mais aussi l’action héroïque des paysannes sur les fermes durant la Première Guerre mondiale pendant que les maris se battaient sur le front, ou encore l’engagement des militantes de la JACF (Jeunesse agricole catholique féminine) qui ont révolutionné la condition des rurales après la Seconde Guerre mondiale… Car l’évolution de la condition des femmes à la ville comme dans les campagnes ne s’est pas faite en une génération.
Les membres de la commission agricultrices de la FNSEA étaient surtout soucieux d’évoquer avant tout le présent dont elles étaient les acteurs, et le futur, dont elles craignaient le manque de visibilité. En cela, elles se situent pleinement dans l’air du temps. Pourtant c’est le passé qui nous aide à déchiffrer le présent et défricher l’avenir, car comme le dit le proverbe sénégalais : « Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens ».