Ce week-end, j’ai ressassé en boucle dans ma tête le poème La mort du petit cheval blanc de Paul Fort chanté par Georges Brassens. Et pour cause, ma jument, qui n’était pas blanche mais alezane, s’en est allée. Depuis trois ans, atteinte du syndrome de Cushing, elle avait perdu de sa superbe. Ce 17 juillet, Érika s’est écroulée dans son écurie après un ultime appel au secours d’un hennissement si criant de douleurs. Autour d’elle, pour ses derniers instants, planaient, comme retenus, le chagrin de Marie-Christine et d’Hubert qui l’avaient côtoyé depuis toujours, la tristesse de Cécile, la jeune vétérinaire, la larme à l’œil, n’ayant pas d’autre choix que l’euthanasie, mais aussi l’abattement des deux chiennes, – la troisième avait préféré s’éclipser sans doute pour cacher sa peine -, et des deux vieilles brebis perdant leur compagne de pré. Érika était peureuse et dominatrice, fougueuse et sensible, un peu cossarde et très gourmande, rebelle et joueuse – elle aimait chiper la casquette de mon père qui doit être heureux, là où il est, de la retrouver et de pouvoir à nouveau s’en occuper -. Vingt ans durant, elle avait rythmé mes journées. Elle me connaissait sans doute mieux que personne. Notre relation tout en simplicité était plus proche de l’esprit des peuples cavaliers que de cette culture équestre parfois trop élitiste. Entre deux temps d’écriture, dans une pause apaisante, je m’extasiais longuement à l’observer en train de trier subtilement la bonne herbe de la moins bonne.
Certes ressasser La mort du petit cheval blanc me plongeait un peu plus dans la mélancolie – « Il est mort sans voir le beau temps – qu’il avait donc du courage – Il est mort sans voir le printemps – ni derrière, ni devant » –, mais Érika avait vu vingt printemps, elle était même partie en plein été. Le soir, un reportage au journal télévisé montrait l’afflux de chiens et de chats abandonnés dans les refuges à la veille des vacances. Alors je me console constatant qu’elle a eu finalement une vie de petite princesse.