L’ampleur du changement climatique actuel nous amène à penser que la prise de conscience de l’impact des activités humaines sur le climat est un phénomène récent. A tort, pensent deux historiens de l’environnement, Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, dans Les Révoltes du ciel – une histoire du changement climatique XVe-XXe siècle. Ils voient l’origine de cette prise de conscience dès le XVe siècle à l’occasion de la colonisation européenne de l’Amérique. Pour les Conquistadors, les excès climatiques du Nouveau Monde seraient dus à l’absence de cultures et de déforestation. Ce qui conforte leur stratégie de peuplement et de développement agricole. La mise en culture, selon eux, tempérait les excès de la météo. Thomas Jefferson écrira que les Etats-Unis, dont il sera le président, sont devenus un pays de cocagne.
Tout change à partir de 1770, sous l’influence de savants, comme Pierre Poivre ou Bernardin de Saint Pierre, qui constatent les effets de la déforestation. L’enjeu est désormais de conserver la forêt pour préserver le climat. L’arbre, de par son impact sur le cycle de l’eau et donc sur la transformation climatique, sera pendant plus d’un siècle au cœur des controverses scientifiques, des débats politiques et des enjeux économiques.
« L’idée d’un agir humain sur le climat est très répandue parmi les élites françaises », constatent les auteurs qui nous font découvrir cette enquête lancée en 1821 par le gouvernement français sur la responsabilité de l’Homme dans le changement climatique. Après 1850, la révolution industrielle changera la donne : les progrès dans l’agriculture, le développement des transports, la fin des crises frumentaires, mais aussi la croyance en la toute-puissance de la technologie pour dompter la nature, font que « le climat a été délogé de nos consciences ». Une sorte d’interlude, d’un peu plus d’un siècle, avant que, par un effet boomerang, la question climatique ne réapparaisse, sous la forme de l’excès de CO2 et de l’effet de serre, nous faisant redécouvrir notre fragilité face aux révoltes du ciel.
Les Révoltes du Ciel – Le Seuil – 303 pages – 23