Deux faits dans l’actualité récente témoignent de cette part d’inhumanité de notre société. Il y a quelques jours, un photographe de renom est retrouvé mort dans une rue d’un quartier de grande animation nocturne de Paris, après avoir passé neuf heures à terre sans que personne ne lui vienne en aide. C’est un SDF, qui appellera, mais trop tardivement, les secours. Chaque année, 600 personnes (pour la plupart des SDF) meurent dans la rue en France, dans l’indifférence générale.
Tragique fin de vie également pour bon nombre de résidents des EPHAD, notamment au sein de l’établissement huppé de Neuilly Les Bords de Seine, où le tarif des chambres varie entre 6 500 € et 12 000 € par mois, que nous décrit Victor Castanet, dans Les Fossoyeurs (Fayard). Durant trois ans, le journaliste a enquêté sur le système de maltraitance du groupe Orpéa, leader mondial dans la prise en charge de la dépendance, mettant en évidence l’impuissance des autorités de contrôle face aux nombreux dysfonctionnements (dirigeants intouchables, malversations nombreuses, pression sur les salariés…) sur fond de gestion exclusivement comptable de ces établissements.
La quête d’enrichissement apparaît comme la seule vraie motivation de ces établissements privés commerciaux qui, depuis les années 1990, ont investi le secteur de la dépendance, accueillant aujourd’hui en France 20 % des résidents contre 45 % pour les structures publiques (hôpitaux, municipalités) et 31 % pour le privé à but non lucratif (associations, congrégations, mutuelles). Le Monde conforte cette stratégie, indiquant que les tarifs du privé lucratif sont nettement plus élevés (avec un prix médian de 2 657 € par mois contre 1 884 € dans le public et 2 009 € dans le privé non lucratif), alors que les effectifs de personnel sont moins importants : 52 emplois pour 100 places de résident contre 70 dans le public.
« Il y a une dignité à vieillir comme on a vécu », écrivait le romancier Pierre-Henri Simon dans Ce que je crois. Chez Orpéa, on l’avait oublié…