La planète vit au ralenti et la population mondiale est en grande partie confinée. Les cieux sont vides d’avions et les artères des cités vides de monde. Le printemps est silencieux tandis que les économies sont en panne et sous perfusion. Si l’e-commerce et le télétravail vont sans doute sortir renforcés de cette crise, constatons toutefois combien les activités traditionnelles et vitales, la santé bien évidemment à travers cette pandémie, mais aussi l’agriculture, le transport, le commerce nous sont indispensables pour nous soigner et avoir accès à la nourriture. Pourtant ces métiers modestes mais de grande dignité sont globalement peu considérés à l’aune du revenu qu’ils procurent, qu’il s’agisse des paysans et des salariés agricoles, des routiers et des livreurs, des caissières de supermarchés, des éboueurs…, et bien sûr des infirmières et des aides-soignantes, toutes et tous chevilles ouvrières dans la fourniture des biens et services vitaux d’une économie en panne, qui nous invite à faire la part des choses entre l’essentiel et le futile. Les derniers de cordée sont ainsi devenus les premiers, renversant brutalement cette hiérarchie macronienne dont on découvre aujourd’hui la cécité et l’imposture.
Depuis des décennies, nos sociétés se sont complexifiées, au point que les services qui entourent les produits de base se sont accaparés la plus grande part de la valeur ajoutée. Ainsi dans l’alimentaire, les investissements immatériels, comme la publicité, la finance, le marketing…, sont, depuis 1989, supérieurs aux investissements matériels, au point de marginaliser la valeur du produit de base (la matière première agricole) au bénéfice de nouveaux services que la société valorise beaucoup mieux avec des métiers bien plus rémunérés. Depuis des années, cette évolution n’a pas cessé de s’accélérer. L’économie moderne très axée sur les services (il y a 70 ans, pour un actif dans l’agriculture, on avait un actif dans l’industrie et un troisième dans les services ; aujourd’hui pour un actif dans l’agriculture, on a 22 actifs dans les services) a marginalisé les producteurs de biens et services vitaux, tout comme elle a négligé les biens communs essentiels : l’air, l’eau, la biodiversité… Que le drame que nous vivons aujourd’hui nous aide à en prendre conscience !